Je vous avais parle il y a quelque peu plus d’un an en terrible affaire Kamagate.
Elle a connu hier son epilogue, devant la 10e chambre du tribunal. Pascale Robert-Diard, chroniqueuse judiciaire au Monde, etait propose et m’a tres gentiment autorise a reproduire ici sa chronique, publiee au numero d’aujourd’hui, helas jamais sorti en kiosque pour cause de greve. M. Kamagate n’a vraiment aucun chance.
Condamne en 2008 pour une agression imaginaire, Vamara Kamagate est definitivement innocente
Le tribunal correctionnel deParis a relaxe lundi 6 septembre le SDF
Notre delibere a dure cinq petites minutes. « Le tribunal vous relaxe, M.Kamagate », annonce le president Olivier Bourrague. Vamara Kamagate demeure fige a la barre. «Vous pouvez partir», ajoute doucement le president. Cela reste vingt-deux heures, lundi 6 septembre, et la 10e chambre du tribunal correctionnel de Paris vient de reconnaitre que l’homme qui lui fait face, nos bras ballants, noye dans une veste de costume trop large pour lui, a ete officiellement victime d’une erreur judiciaire.
« C’est un dossier quelque peu particulier…», avait prevenu le president en se saisissant en derniere affaire en journee. Deux annees et demi plus tot, le 8 mars 2008, a l’etage situe juste en dessous de cette salle d’audience, Vamara Kamagate a ete juge en comparution immediate et reconnu coupable d’agression sexuelle, violences et injures publiques.
Condamne a dix-huit mois ferme ainsi qu’a une interdiction du territoire francais de trois ans, il avait ete immediatement incarcere.La petit cherie, A.G.,qui l’accusait, absente de l’audience mais representee via un avocat, avait recu, a titre de provision Afin de son prejudice, 3000 euros.
A.G. avait 20 ans, mes fri?res policier, une mere psychiatre et un pere cadre superieur. Un soir de fevrier 2008, elle leur avait confie avoir ete agressee boulevard Richard-Lenoir, au 11e arrondissement de Paris, avec un homme de «۵۰-۶۰ ans », de « type africain», d’une taille «d’environ 1,80m». Cela l’avait, disait-elle, saisie violemment par le cou, lui avait pince les seins, avait mis sa main dans sa culotte sous son jean et lui avait frotte le sexe avant une repousser en l’insultant. A.G.avait repete ce qui a Notre policiere compatissante qui avait recueilli sa plainte. Deux semaines apri?s, sur photos, puis derriere une glace sans tain, on lui presentait Vamara Kamagate, votre SDF africain qui avait ete interpelle dans le quartier a l’occasion d’un controle d’identite et qui, disaient nos policiers, «pouvait correspondre» a son agresseur.Il ne mesure pas 1,80m mais 1,70m, il n’a pas « entre 50 et 60ans», puisqu’il reste age de 46 ans et il se contente de repeter dans un francais approximatif qu’il n’est pour rien dans cette affaire. Mais un vendeur de moto du quartier affirme que c’est beaucoup le SDF qui trainait souvent au coin et insultait les passants di?s qu’il est saoul et A.G. «pense le reconnaitre » sans etre toutefois formelle.
Tout va tres vite. On designe a Vamara Kamagate 1 avocat commis d’office : comparution, condamnation, detention, gui?re d’appel, affaire reglee.
«Pourquoi n’avez-vous nullement fait appel ?», lui demande le president Marc Bourrague. Vamara Kamagate penche le visage vers le president du tribunal en clignant des yeux et lui fait repeter le sujet Afin de etre sur d’une comprendre. « Je savais pas qu’on pouvait », repond-il.
Du dossier d’instruction, le president extrait aussi une longue lettre que la jeune femme a adressee au procureur de la Republique en mai 2008, deux mois apres la condamnation de Vamara Kamagate et dans laquelle elle evoque avoir tout invente. Elle y expose ses confidences a le ami policier, puis a ses parents, l’ecoute immediate qu’elle recoit, la comprehension dont on l’entoure. «Tout votre que j’aurais voulu que l’on fasse i mon sens des annees plus tot», ecrit-elle.
Elle explique encore avoir ete victime d’une agression, lorsqu’elle etait agee de 13 annees, via mes fri?res d’la famille. A l’epoque, ses parents ne lui avaient nullement donne le sentiment de prendre la juste mesure de sa souffrance, dit-elle.
Elle raconte la plainte, le visuel des photos au commissariat – « J’me sentais obligee de designer quelqu’un», – Notre procedure qui s’emballe – «personne n’entendait faire mes doutes » – puis la prise de conscience violente : « Je venais d’envoyer un pauvre type en prison. Je n’avais jamais pense que la justice puisse condamner 1 homme concernant mon seul temoignage.»
Alertee ensuite par la famille, Me Francoise Margo prend le dossier en charge. L’affaire remonte a J’ai chancellerie, puisque seule la garde des sceaux – a l’epoque Rachida Dati – pourra lancer la revision d’une condamnation devenue definitive. Apres six mois de detention, Vamara Kamagate reste
remis en liberte, sans comprendre tout de suite ce qui lui arrive. Le 24juin 2009, la Cour de cassation annule le jugement et le renvoie devant le tribunal correctionnel.
Lundi 6septembre, Vamara Kamagate a ecoute le procureur Francois Lecat expliquer qu’«il n’y avait,dans cette affaire,aucune raison d’entrer en voie de condamnation». «Ce qui est terrible, au fond, c’est que une telle procedure n’a nullement ete irreguliere. Enquete de routine, jugement de routine.Nous sommes face a une authentique erreur judiciaire. Je demande evidemment la relaxe du prevenu», a-t-il declare.
Reconnu definitivement innocent, au palais desert a votre heure avancee en soiree,Vamara Kamagate a franchement reclame a son avocate,me Victoire Boccara, de l’aider a retrouver la porte de sortie.
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